QUELS DROITS POUR UNE VICTIME D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION?
Un accident de la circulation peut changer toute une vie et celle de votre famille.
La victime d’un accident de la circulation est par définition une personne vulnérable.
C’est la raison pour laquelle l’assistance d’un conseil spécialisé en dommages corporels (médecin, avocat) est, dans bien des cas, nécessaire, sinon indispensable.
En cas d’accident de la circulation, les victimes ou leurs ayants-droit ont des droits.
L’écoute et le réconfort aux victimes et aux proches des victimes d’accidents de la route sont des fondamentaux. Tout aussi indispensable est le conseil aux victimes, et ce, tant sur le plan pénal que civil.
Savoir conseiller utilement la victime : tel était l’objet de mon intervention auprès de la LCVR de la Haute-Savoie et des délégations régionales du Rhône, de l’Ain, de la Savoie, de la Drôme qui étaient présentes à cette réunion.
Ont été abordés successivement les thèmes suivants :
– Sur le plan pénal : il faut savoir que la victime peut ou non déposer plainte à l’encontre de l’auteur de l’accident de la circulation. Il s’agit d’un droit et non d’une obligation.
En cas de dépôt de plainte de la victime, l’enquête est menée pour déterminer si l’auteur de l’accident de la circulation a commis une infraction aux règles légales et réglementaires.
Si tel est le cas, le Procureur de la République poursuivra l’auteur des faits par devant la juridiction répressive afin qu’il soit condamné à une sanction pénale (amende, peine d’emprisonnement…).
Pour une victime, le dépôt de plainte constitue bien souvent une démarche personnelle destinée à lui permettre d’obtenir la reconnaissance de l’infraction et, par voie de conséquence, la reconnaissance de ses préjudices par la Justice pénale.
Sur le plan psychologique, le dépôt de plainte a donc toute son importance pour la victime puisqu’il s’agit de la condamnation de l’auteur de l’accident aux yeux de la société.
Selon la gravité de l’accident, il ne peut qu’être recommandé de déposer plainte.
Il est ici utile de souligner que l’absence de dépôt de plainte n’aura aucune incidence sur l’indemnisation des préjudices subis par la victime, s’agissant d’une procédure civile et non pénale.
– Sur le plan civil :
Le cadre législatif : la loi du 5 juillet 1985 dite « loi Badinter »
La loi Badinter prévoit un « droit à indemnisation » pour toute victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.
– Si vous êtes piéton, cycliste ou passager d’une voiture ou conducteur, blessé lors d’un accident de la route, vous serez indemnisé.
Leurs dommages corporels sont intégralement indemnisés, sauf lorsque la victime a :
– provoqué volontairement ses blessures (comportement suicidaire),
– commis une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident.
Cependant, cette faute ne sera pas retenue si, au moment de l’accident, la victime est âgée de moins de 16 ans, de plus de 70 ans ou atteinte d’une incapacité permanente ou d’une invalidité au moins égale à 80 %.
La notion de «faute inexcusable» retenue par les tribunaux est par ailleurs très restrictive.
A titre d’exemple : un piéton ivre, traversant la chaussée de nuit, au feu vert, sera indemnisé.
– Si vous êtes conducteur, votre indemnisation dépendra de votre responsabilité dans l’accident et des garanties que vous aurez souscrites.
Ainsi, le conducteur a droit à indemnisation de ses dommages corporels, sauf en cas de faute commise, faute qui pourra limiter, voire même exclure, son droit à indemnisation.
En tout état de cause, il appartiendra à l’assureur d’établir la faute du conducteur pour réduire ou supprimer son droit à réparation.
Dès lors, une faute non démontrée permettra au conducteur d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice.
Ainsi, lorsque les circonstances exactes d’un accident de la circulation ne sont pas déterminées, tous les conducteurs impliqués dans cet accident sont susceptibles d’être indemnisés.
La notion d’accident de la circulation :
Un accident de la circulation implique obligatoirement un véhicule terrestre à moteur, qu’il soit ou non en mouvement.
Il faut savoir que la notion de VTM est très large : voiture, moto, camion, scooter ou autre deux-roues, autocar, tracteur, engins de damage, fenwick, moissonneuse, tondeuse…
Par contre, les accidents causés par les trains et les tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ne sont pas considérés comme des accidents de la circulation.
La notion de « dommage corporel »
Un dommage corporel recouvre l’atteinte à l’intégrité physique mais également psychique (lié notamment au choc post traumatique) de la personne.
Les préjudices corporels
Il n’existe pas de liste légale des préjudices indemnisables mais une pratique qui s’est instaurée au fil des décisions judiciaires sur la base d’une nomenclature dite Nomenclature DINTHILAC, qui distingue :
– les préjudices des victimes directes,
– les préjudices des victimes indirectes ou victimes par ricochet qui ont également droit à indemnisation.
C’est le cas des préjudices subis par le conjoint et les enfants lorsque leur époux et père est tué dans l’accident.
Ce sont essentiellement les proches mais aucun lien de parenté n’est exigé, il suffit que les préjudices invoqués soient personnels et directs, certains et licites.
Les parents d’un enfant gravement handicapé à la suite d’un accident de la circulation peuvent justifier de l’existence d’un préjudice personnel directe qui ouvre droit à indemnisation.
Les principaux préjudices indemnisables des proches (victimes par ricochet) sont le préjudice moral (ou préjudice d’affection), les troubles dans les conditions d’existence, les pertes de revenus, les frais de déplacements ; mais cette liste n’est pas exhaustive…
Ces deux catégories sont divisées en 2 sous-catégories :
– Préjudices patrimoniaux, à savoir les préjudices purement économiques,
– Préjudices extrapatrimoniaux, à savoir les préjudices personnels.
Ces préjudices sont eux-mêmes divisés en préjudices temporaires et préjudices permanents, la consolidation de la victime sur le plan médical permettant le passage de l’un à l’autre.
Si j’ai détaillé la Nomenclature DINTHILAC lors de notre intervention, je ne la détaillerai pas ici, cette liste de préjudices étant longue et facilement consultable sur internet.
La notion de consolidation
La consolidation c’est « le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif.
Le processus d’indemnisation
Sous peine de sanctions (notamment le paiement d’intérêts légaux doublés sur l’indemnité revenant à la victime), l’assureur doit se manifester rapidement auprès de la victime.
La loi Badinter lui impose d’avoir une attitude active dans le cadre du processus d’indemnisation.
Il convient de relever que l’intervention de l’assureur auprès de la victime présente le mérite d’accélérer le processus d’indemnisation, mais, bien souvent, l’inconvénient majeur résulte du fait que la victime va se contenter des conclusions médicales du médecin expert de l’assureur et des offres d’indemnisation de celui-ci.
Dès la déclaration de sinistre, l’assureur va écrire à la victime (l’informe de ses droits : obtention gratuite du procès-verbal de gendarmerie ou de police, assistance de l’avocat ou du médecin de son choix), courrier auquel est joint un questionnaire auquel la victime doit répondre dans les six semaines, faute de quoi le délai d’offre d’indemnisation est suspendu.
La compagnie d’assurance peut également décider de déléguer l’un de ses inspecteurs régleurs pour rencontrer la victime ou sa famille en cas de décès.
L’assureur va proposer le versement d’une provision (provisionnelle ou définitive), soit dans un délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation de la victime sauf s’il peut justifier que le dommage n’est pas entièrement quantifié ou que la responsabilité n’est pas clairement établie, soit dans les 8 mois de l’accident.
Selon les cas, l’assureur proposera également une expertise médicale confiée à l’un de ses médecins-conseils.
Il est impératif de savoir que la victime n’a aucune obligation d’accepter l’expertise amiable proposée par la compagnie d’assurance et qu’elle peut se diriger vers une demande d’expertise judiciaire.
Si la victime accepte l’expertise médicale amiable organisée par la compagnie d’assurance, il est indispensable que la victime soit assistée par un médecin conseil indépendant spécialisé en matière de dommages corporels, dès ce premier examen.
Il convient de savoir que, parfois, les conclusions médicales, au mieux sont incomplètes, au pire :
- sont insuffisantes,
- ne correspondent pas à la réalité des séquelles de la victime
- ont un montant d’indemnités toujours très insuffisant, voir dérisoire par rapport aux préjudices subis.
Aussi, en cas de dommages corporels graves, il ne peut qu’être souligné le caractère indispensable d’un avocat spécialisé et indépendant des compagnies d’assurances qui orientera utilement la victime, soit vers l’expertise amiable de la compagnie, soit vers une expertise judiciaire.
En tout état de cause, une fois la victime consolidée, l’assureur a l’obligation de formuler son offre définitive d’indemnisation dans les 5 mois de la réception du rapport médical.
Il convient de savoir qu’outre les compagnies d’assurances, un fonds de garantie a été instauré pour l’indemnisation des victimes si l’auteur de l’accident est inconnu (a pris la fuite) ou n’est pas assuré : il s’agit du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO).
Cas spécifiques d’accidents de la route
L’accident de la route survenu en France avec un étranger
En cas d’accident de la route causé en France par un véhicule immatriculé à l’étranger, il est possible de saisir en France le correspondant de cet assureur étranger.
L’accident de la route survenu à l’étranger
En cas d’accident de la route survenu dans un pays mentionné au recto de la carte verte et causé par un véhicule immatriculé dans l’un des pays de l’Union européenne, il est possible de saisir, au choix :
- le représentant en France de l’assureur de responsabilité civile du conducteur responsable ;
- l’assureur de responsabilité civile du conducteur responsable dans le pays du lieu de l’accident.
En règle générale, c’est la loi du pays du lieu de l’accident qui s’applique pour déterminer les responsabilités et l’indemnisation des dommages subis.
Il ne s’agit en l’état que d’un « concentré d’explications » sur la législation BADINTER qui, je l’espère, vous permettra d’être mieux armé pour répondre aux questions de victimes d’accidents de la circulation.
Responsabilité du sportif
Un footballeur est blessé suite à un tacle appuyé d’un adversaire qui se fait expulser.
Tacle trop appuyé, selon le footballeur, des examens révélant une fracture ouverte du tibia et du péroné de la jambe droite. Pour lui, la responsabilité de son adversaire est engagée et ce dernier doit l’indemniser…
Ce que conteste ce dernier : la commission de discipline a qualifié son tacle de « faute grossière » ; or, une telle faute fait normalement partie des risques acceptés par les joueurs.
En outre, des témoignages attestent que le tacle a été effectué sans « intention brutale » de sa part.
Mais, pour le footballeur blessé, une « faute grossière » constitue une violation caractérisée des règles du jeu et excède, au contraire, les risques normaux du football.
Elle engage la responsabilité personnelle de son adversaire…
Ce que confirme la Cour de cassation, 2ème chambre civile, par Arrêt du 29 août 2019, n° 18-19700
Au football, une « faute grossière » excède effectivement les risques normaux de ce sport.
La responsabilité de l’adversaire est donc ici engagée.
Infraction pénale, quel préjudice indemnisable en cas d’aggravation ?
La victime qui n’a pas agi dans les délais pour demander la réparation de son préjudice est recevable à le faire postérieurement en cas d’aggravation médicalement constatée.
La Cour d’appel de Nîmes a rappelé dans un arrêt du 19 novembre 2015, que l’aggravation étant indissociable du préjudice initial, la victime qui n’a pas agi dans le délai initial requis, peut toujours faire valoir ses droits à indemnisation pour l’ensemble de son préjudice postérieurement dès lors qu’une aggravation a été médicalement constatée.
En l’espèce, une victime de blessures involontaires en 2000 s’était vu refuser l’indemnisation de son préjudice par la Cour d’appel d’Aix en Provence, faute d’avoir présenté sa demande dans les délais prévus par le Code de Procédure Pénale.
Plusieurs années après, invoquant une aggravation de son état de santé en lien avec les blessures involontaires, la victime a présenté une nouvelle demande d’indemnisation devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions Pénales.
Le Fonds de garantie s’est opposé à cette demande, mettant en avant « l’autorité de la chose jugée » de l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence.
C’est dans ces conditions que la Cour d’appel de Nîmes rappelle l’Article L.706-5 du Code de Procédure Pénale, suivant lequel « la commission relève le requérant de la forclusion lorsqu’il n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis, ou lorsqu’il a subi une aggravation de son préjudice, ou pour tout autre motif légitime ».
Pour la Cour d’appel de Nîmes, le législateur a ainsi voulu donner à la victime la possibilité de réclamer une indemnisation quand son état de santé s’est aggravé au-delà de ses prévisions.
La Cour d’appel de Nîmes rappelle, enfin et surtout, que l’aggravation étant indissociable du préjudice initial, le relevé de forclusion permet à la victime qui n’a pas agi dans le délai initial requis de faire valoir ses droits à indemnisation pour l’ensemble de son préjudice, dont l’aggravation a été médicalement constatée.
Cette position est conforme à celle de la Cour de cassation, notamment dans son arrêt du 1er juillet 2010 (2ème Chambre Civile).
Comment obtenir copie de son dossier médical ?
Depuis la loi du 4 mars 2002, tout patient a le droit d’obtenir copie de son dossier médical en le demandant à l’hôpital concerné ou à son médecin en vertu de l’article L. 1111-7 du Code de la santé publique.
Vous devez rédigez un courrier recommandé, précisant les dates d’hospitalisation et précisant les documents que vous souhaitez obtenir : compte rendu d’hospitalisation, d’examens, de consultations.
Vous devez y joindre : une copie de votre pièce d’identité. Des frais de copie vous seront éventuellement facturés.